« J’aimerais que cette pièce se situe quelque part entre la comédie musicale, le micro-trottoir, le stand-up et le rituel d’exorcisme ».
Olivia Grandville engage ici une relation particulière aux interprètes, qu’elle invite à prendre la parole autant que le corps. Une pièce d’hommes : un groupe de jeunes danseurs d’origines culturelles très diverses, d’une fluidité des genres pleinement incorporée, une multiplicité et une complexité de points de vue, incarnés dans les corps eux-mêmes, qu’elle souhaite questionner.
Ce titre d’abord, No women no cry, qui en feignant la naïveté d’une mauvaise traduction, « pas de femme pas de larmes » ou pire « pas de cris », voudrait nommer surtout ce patriarcat paradoxalement idolâtre, qui renvoie les femmes à leurs larmes de mères, d’épouses et de soeurs. « Non, femme ne pleure pas », chantait Bob Marley dans les années 70, tout en entretenant comme une évidence cette culture du sang lié au masculin, du soin et du chagrin laissés aux femmes.
Aujourd’hui, nous pleurons tous en ce début de siècle calamiteux, et nous pleurons sur notre orgueil irresponsable dont les effets mortifères nous sont violemment renvoyés par la nature elle-même. Le monde est une gigantesque "vanité" qui nous rappelle à quel point nous avons oublié le fondement de notre humanité, à savoir sa destinée mortelle. Les instances de pouvoir qui nous ont menées à ce désastre, instances majoritairement portées par des hommes jusqu’à aujourd’hui, s’inscrivent dans une histoire longue si on s’en réfère à cette définition du principe masculin élaborée par Aristote dans La théorie des humeurs :
"La faiblesse constitutive de la nature féminine tient à sa médiocre aptitude à la coction du sang qui provoque l’apparition régulière des règles, tandis qu’il existe chez l’homme une plus grande capacité à "cuire le sang", le sperme étant une humeur transformée par la moelle épinière. Dès lors toute perte de sang devient chez l’homme un acte intentionnel qui résulte de sa participation délibérée à la chasse, à la compétition ou à la guerre et fonde une partie de son pouvoir".
Pour résumer : si la femme perd son sang, l’homme doit le verser. Et son pouvoir s’est construit sur ce terreau-là. C’est depuis ce constat que la révolution féministe aurait pu oeuvrer, c’est très exactement ce à côté de quoi elle est passée en réclamant une égalité des sexes au sens d’équivalence. Les femmes devaient donc désirer et s’approprier ce pouvoir que possédait les hommes et qui leur manquait soi-disant, de la même manière que leur aurait manqué quelque chose entre les jambes.
On sait quand même aujourd’hui que non… Il ne nous manque rien. Et cette faiblesse qui nous a été associée durant tant de siècles serait plutôt à revisiter à la lumière d’une certaine humilité dont on mesure aujourd’hui à quel point elle manque à l’humanité tout entière. N’est-ce pas plutôt aux hommes, en tout cas dans l’injonction de virilité qui leur est faite depuis la nuit des temps, que manque l’accès à certains droits féminins, à commencer par celui de pleurer ?
Olivia Grandville
Plus d'informations sur le site d'Olivia Grandville.
Démo : 1er juillet 2021 à 19h – les SUBS, Lyon (réservations ici)
Premières : 23 + 24 + 25 novembre 2021 – Le Lieu Unique, centre de culture contemporaine de Nantes
Conception et chorégraphie : Olivia Grandville
Interprètes : Habib Ben Tanfous, Jordan Deschamps, Enrique Martin Gìl, Ludovico Paladini, Matthieu Patarozzi, Matthieu Sinault, Eric Windmi Nebie, Jonathan Kingsley Seilman
Création sonore : Jonathan Kingsley Seilman
Création lumière : En cours
Scénographie : En cours
Regards extérieurs : César Vayssié, Aurélien Declozeaux
Production : La Spirale de Caroline
Partenaires confirmés : Le Lieu Unique | Libre usine (Nantes), Chorège – CDCN (Falaise), Les Subs (Lyon), le CCN de Rillieux-la-Pape, direction Yuval PICK, dans le cadre du dispositif Accueil-Studio ; Charleroi danse, Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; La Place de la danse, CDCN de Toulouse-Occitanie; Les Quinconces et L’Espal, scène nationale du Mans; le Théâtre Auditorium de Poitiers; Le Centre National de Danse Contemporaine (Angers), le Centre Chorégraphique National de Nantes
Soutien : CCN de Caen en Normandie – direction Alban Richard, du Sept-cent-quatre-vingt-trois, Nantes
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